Que peut le design pour qu’on se mettre (enfin) à lire les études ?
Réflexion avec Morgane Chevalier, Thomas Thibault et Adrien Payet de Praticable sur le format PDF et les pratiques de lecture possibles avec le web.
Designer d'interface indépendant (UX/UI designer senoir)
En 2013, j'ai cofondé le collectif de design numérique Praticable, anciennement Collectif Bam. Aujourd'hui, je travaille en free-lance et j'enseigne mon métier dans différentes écoles.
Mon parcours est à la croisée entre le design, la recherche et l’entrepreneuriat. En 2013, je co-fonde avec Thomas Thibault et Morgane Chevalier, le Collectif Bam, un groupe de designers motivés par l’envie d’ouvrir sa pratique et ses productions. Cette même année, je terminais mon Master 2 Recherche, Arts, Médias, Numériques sous l’enseignement de Pierre-Damien Huyghe et d’Annie Gentès à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Avant cela, je venais de réaliser mon DSAA, Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués en design industriel à l’ENSAAMA - Olivier de Serres en travaillant notamment sur la transition numérique des bus parisiens avec la RATP. Pour ma dernière année d’étude, je souhaitais poursuivre mes recherches sur les réseaux et compteurs électriques "intelligents", aussi appelés "smart grids". Je m’étais intéressé aux problématiques de vie privée et de transition écologique, incarnées par le déploiement des compteurs Linky.
Ma proposition consistait à offrir des possibilités de contrôle et de visualisation des activités de ce dispositif. Ce dernier projet de diplôme constituera les fondations théoriques de mon projet entrepreneurial. Intitulée "Smart grids" : les réseaux et compteurs d'électricité intelligents : émergence d'une ère post-carbone, ou avènement de la société de contrôle, cette recherche débouchera sur deux concepts clés : la perceptibilité et la praticabilité. Le premier concerne l’attention perceptive, la possibilité de comprendre et d’étudier les objets. Le deuxième, plus central, est l’attention pratique, la possibilité de faire et de régler quelque chose. Cette philosophie du droit à l’attention, issue de mon projet de recherche, de ma rencontre avec Pierre-Damien Huyghe et de mes lectures comme Bernard Stiegler, Yves Citton, Ivan Illich ou Gilbert Simondon, guideront mon parcours entrepreneurial avec le Collectif Bam, et plus tard avec le studio Praticable.
Formé initialement en collectif d’indépendant·es, puis structuré deux ans plus tard en société (entre 5 et 8 salarié·es), le Collectif Bam, puis Praticable était un studio de design engagé sur les impacts écologiques et numériques.
Nous souhaitions, par la création d’interfaces, d’espaces et d’objets, favoriser l’autonomie des individus en leur permettant de décider du numérique qu’ils souhaitent. Pendant plus de 10 ans, nous avons exploré l’impact du numérique dans nos sociétés avec de nombreux projets, aux formes multiples et toujours concrets. Parmi les plus connus, nous avions réalisé la Blockchain Vaisselle, un projet de vulgarisation de la technologie Blockchain avec un objet et une histoire de corvée de vaisselle, Limites numériques, une recherche en design sur les impacts écologiques du numérique, Permis de (dé)construire, une résidence in-situ pour imaginer Aulnay-sous-Bois avec des collégien·nes sur Minetest, l’outil d’étude du TMNlab (un laboratoire sur la transformation numérique des théâtres), mais aussi La Base, le wiki du numérique d’intérêt général, et pour finir le Bëurk Design, un jeu de carte pour concevoir le meilleur en passant par le pire.
Nos collaborations furent nombreuses et diversifiées. J’ai travaillé notamment avec des collectifs de recherche comme la Fing, Ouishare ou l’IRI, des organisations publiques comme l’ANCT, l’ANACT, la Banque de France, l’ADEME, l’Université de Lille, mais aussi associatives comme Démocratie Ouverte ou Osinum, et enfin culturelles comme le Théâtre de Creil et la Gaîté Lyrique. En 2022, nous décidions de changer notre forme juridique et notre nom, pour devenir la coopérative de design, Praticable. Ce fut un alignement radical et profond de notre identité avec notre intention initiale : permettre la pratique du numérique. 2 ans plus tard, suite à plusieurs difficultés financières, nous mettons fin à Praticable, en liquidant notre entreprise. En tant que président, en charge de la direction du design, je me concentrais sur la qualité et la singularité de nos productions, et surtout de leur cohérence avec notre philosophie.
Dorénavant, je poursuis mon aventure en tant que designer d’interface indépendant. De par mon expérience, j’accompagne mes clients, associations, laboratoires de recherche, organisations publiques ou privées, de la définition stratégique à la réalisation de leurs projets. En résumé, mon travail est de concevoir de belles interfaces, sobres, simples et pratiques pour des projets numériques d’intérêt général.
Le design est pour moi à la fois un objet d’étude et un métier pluridisciplinaire dont l’intention est de favoriser la convivialité des objets. C’est de cette manière que je définis l’interface : une médiation entre l’humain et la technique, quelque chose qui nous aide à découvrir le monde et non à le recouvrir. Je ne la conçois pas comme un remède ou un poison. Je la penses comme un espace dans lequel la pratique est possible, où une certaine humanité existe. Je pars du principe que les objets conviviaux ne sont ni bénéfiques, ni toxiques, ils font partie de nous.
J’aspire à des perspectives humanistes de la technique, prudent des facilités discursives et sentencieuses de la techno-critique, et vigilant, bien évidemment de l’enthousiasme béat du techno-solutionnisme. Individus humains ou techniques, être le maitre ou l’esclave de l’un ou de l’autre, est inconcevable, c’est-à-dire que je ne peux concevoir que nous soyons les dominants ou les dominés de nos propres créations. Je garde espoir dans une relation seine et respectueuse entre l’humain et ses productions.
L’interface est pour moi cette chose protéiforme, numérique ou non, dont le design doit en révéler la forme et l’utilité. Site web, application, wiki, base de données, visualisation interactive, objets connectés, appareils informatiques, compteurs d’électricité, … les formes de l’interface sont multiples et sa concrétisation nécessite une variété logique de compétences en design. C’est pourquoi, le design d’interface est pour moi une pratique de design global, pas seulement concentré sur l’écran mais sur l’ensemble des modes d’existence d’un objet numérique.
Ainsi, cette définition du design d’interface m’amène aujourd’hui, de part mon parcours et mes expériences de projet, à proposer de manière conjointe, du design graphique pour formaliser des identités (charte graphique, logo, direction artistique), du design volumique pour concevoir des produits (objets connectés, technologies embarquées, fabrication numérique, etc.), du design numérique pour développer des interactions (sites internes, applications, wiki, base de données, services en ligne, etc) et du design stratégique pour panifier des stratégies (recherche, enquête, prospective, stratégies d’entreprise, design d’offre, etc).
Enfin, mon expérience m’amène naturellement à coacher et conseiller des chef·fes de projet, des designers et des entrepreneur·ses, à donner des conférences, à participer à des tables-rondes, journées d’études et jury de diplômes, à organiser des workshops et à enseigner mon métier dans des écoles et des universités, notamment à Sciences Po, à la Sorbonne, à l’ECV ou à Bordeaux Montaigne.
Réflexion avec Morgane Chevalier, Thomas Thibault et Adrien Payet de Praticable sur le format PDF et les pratiques de lecture possibles avec le web.
Indépendant
Design numérique (UX/UI Design, design system, dev front), design stratégique (audit design, UX Research, design ops), design graphique (identité visuelle, charte graphique).
Praticable, coopérative de design numérique
Direction et gestion d'entreprise, direction artistique et gestion de projet, design numérique (UX/UI design, design system, dev front), design stratégique (diagnostic design, design management), …
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